L’histoire des Black P. Stones remonte à l’année 1959, dans le Sud de Chicago, dans le secteur de Woodlawn. Le groupe est né d’un mélange de pauvreté, de racisme et d’une recrudescence de la violence, notamment à cause de l’apparition des gangs. Le quartier de Woodlawn était, jusque dans les années 50, majoritairement composé de blancs qui luttaient pour que cela ne change pas. Ils ont tout tenté pour éloigner les familles noires mais, cela n’a pas marché et, en 1960, 89% de la population était Afro-Américaine.

Eugene Bruce Hairston est né le 1er Mai 1944 à Columbus, dans l’Ohio. Ses parents, Bruce et Lena, ainsi que ses petits frères et sœurs (deux frères et deux sœurs) l’ont surnommé « Lil Bull« . Sa famille s’est installée dans le secteur de Low End, au Sud-Est de Washington Park, mais en 1956, ils ont été contraints de déménager car leur maison allait être détruite pour construire des logements sociaux, la ville de Chicago leur a alors trouvé un logement à Woodlawn. Leur maison était sur l’Avenue Stoney Island.

Jeff Fort au centre et Eugene Hairston à droite.

Jeff Fort est né le 20 Février 1947 à Aberdeen, dans le Mississippi. Ses parents ont eu 10 enfants, trois filles et sept garçons. La famille a ensuite déménagée à Chicago, au 6536 Blackstone Avenue. Même si Jeff n’a jamais aimé l’école, il est décrit comme un enfant intelligent, très sociable et ayant un fort pouvoir de leadership.

Jeff Fort en noir au centre et son frère, Andrew, à sa gauche.
Jeff Fort
Jeff Fort au milieu.
Jeff « Chief Malik » Fort
Jeff « Chief Malik » Fort

Les Fort et les Hairston se connaissaient depuis le milieu des années 50, bien avant toutes ces histoires de gang. En effet, les deux familles s’invitaient souvent et Jeff et Lil Bull étaient de très bons amis. Les deux enfants étaient compliqués à gérer et ils créaient beaucoup d’embrouilles, à l’école ou à la maison. En 1958, les Vice Lords commençaient leur conquête de North Lawndale et, en parallèle, les problèmes familiaux des Fort ne s’arrangeaient pas. À 11 ans, après s’être disputé chez lui, Jeff partait souvent se changer les idées chez son cousin Leonard Calloway. Leonard habitait à North Lawndale et faisait partie des membres fondateurs des Vice Lords. Il venait de sortir de prison et avait pour objectif de contrôler North Lawndale à 100%. Jeff a ensuite amené Eugene, et ils passaient des heures chez Calloway, à écouter les VLs qui planifiaient leurs attaques. Les deux garçons se sont inspirés des Vice Lords et voulaient créer leur propre gang. Les VLs ont joué le rôle de mentor et leur ont appris tous les vices de la rue, les techniques pour survivre et comment construire un empire. S’ ils étaient si proche des Vice Lords, c’est grâce à leurs liens familiaux étroits. En effet, Jeff Fort était le cousin de Leonard Calloway et de Bobby Gore (deux des principaux fondateurs) et Eugene Hairston était le cousin de Edwin « Pepilo » Perry (le créateur des VLs).

En 1959, les deux garçons se sont lancés: Jeff Fort a crée son propre gang, les « Blackstone Raiders » (les « Prédateurs de Blackstone »). Composé de 10 personnes, ils étaient actif sur les rues 63rd, 65th et Cottage Grove, ainsi qu’à l’intersection entre 64th Street et Blackstone Avenue (vers l’école primaire Walter Scott). Le but de la bande était de posséder tout Jackson Park. Eugene Hairston, qui se faisait maintenant appeler « King Bull« , avait crée les « Harper Boys« . Ils dominaient toutes les intersections entre celle de Stony Island Avenue et 63rd Street et celle de Stony Island Avenue et 67th Street. Les Harper Boys, eux aussi en quête du contrôle de Jackson Park, sont entrés en guerre contre les Blackstone Raiders.

L’intersection entre 65th Place et South Blackstone Avenue.

Une des principales raisons de la création de ces deux gangs était l’apparition et la prolifération des Egyptian Cobras en 1959. Après avoir étés chassés de North Lawndale par les Vice Lords, les Cobras voulaient se replier et occuper Woodlawn, Washington Park et Hyde Park. Pour cela, ils essayaient de recruter massivement des jeunes de ces quartiers. Les Devil’s Disciples d’Englewood et de Hyde Park continuaient de se développer à Woodlawn et donc à rentrer en conflit avec certains habitants. C’est donc ces habitants qui n’acceptaient pas que de tels gangs viennent prendre leur territoire, qui ont rejoint les Blackstone Raiders et les Harper Boys.

Hairston et Fort étaient les meilleurs ennemis du monde pendant deux ans. En 1960, Jeff Fort voulait absolument posséder l’intersection entre 63rd Street et Stony Island Avenue, au point qu’il la surnommé « The Enchanted City« . À ce croisement, il y avait beaucoup de prostituées et de criminels qui traînaient, dont les Harper Boys. Cette guerre de territoire a duré deux ans, jusqu’à une trêve. Les deux gangs, qui étaient tous deux partis avec une dizaine de membres, se retrouvaient alors, en 1961, comme étant les deux plus gros gangs du secteur. C’est durant cette même année que la police de Chicago en a eu assez et a lancé une grande vague d’interpellations et de condamnations, que le motif soit vrai ou non d’ailleurs. Fort et Hairston furent alors envoyés au centre de détention pour mineurs de St. Charles, dans l’Illinois.

Même si les deux garçons étaient incarcérés, leurs gangs étaient toujours actifs à Woodlawn. Les Devil’s Disciples ont profité du fait que les chefs étaient en prison pour lancer une attaque massive et gagner du terrain, mais, les Raiders et les Harper Boys ont combattu sans relâche et les ont expulsé de Woodlawn.

En 1962, c’est derrière les murs du centre de détention pour mineurs que Jeff et Eugene ont décidé de suivre les pas des Vice Lords et d’arrêter leur guerre et de fusionner: ils ont alors crée les « Black Stone Rangers« . Les VLs et les Rangers se sont ensuite alliés pour combattre les Devils’s Disciples. Dans le début des années 60, les Vice Lords et les Rangers ont même rencontrés les Latin Kings, avec lesquels ils se sont aussi alliés contre les Devil’s Disciples.

Plus tard en 1962, les deux hommes sont retournés à l’intersection entre 63rd Street et Blackstone Avenue et ont fait de cet endroit le bastion de leur nouveau gang. Dès leur arrivée, les Black Stone Rangers sont rentrés en guerre avec les East Side Disciples (Devil’s Disciples / Black Disciples) de David Barksdale qui occupaient maintenant les quartiers de Kenwood et de Hyde Park. Les East Side Disciples avaient une croissance fulgurante et lançaient des opérations partout au sud et vers l’Ouest. Les Disciples et les Rangers étaient en conflit car ils avaient tous deux le même objectif: dominer le Sud et, surtout, contrôler le secteur d’Englewood.

En 1962, les Black Stone Rangers ont entrepris une vaste conquête éclair du Sud d’Englewood, de la 68th à la 75th Street et ont vite pris le contrôle de tous les petits gangs de la zone. En parallèle, les Rangers ont envahi une petite partie de 56th Street jusqu’à Garfield Boulevard, à la frontière entre Englewood et Back of the Yards (quartier du secteur de New City). Cette frontière, même les Devil’s Disciples ne s’en approchaient pas car ils ne voulaient pas se frotter aux blancs et aux latinos de New City. Les Rangers, eux, y sont allés sans se poser de questions et ont sauvagement combattu des gags tels que les Latin Souls. Les Disciples ont ensuite sauté sur l’occasion et sont aussi entrés en guerre pour récupérer ce territoire.

En 1965, les Black Stone Rangers comptaient plus de 200 membres.

La même année, les Rangers ont rencontré le révérend John Fry, ancien Marine convertis en homme d’Église, il a notamment ouvert la première église presbytère de Chicago. Le révérend Fry les a aidé à obtenir des dons fédéraux afin qu’ils puissent se développer, puis il a guidé Eugene et Jeff pour qu’ils organisent le gang à la manière d’un gouvernement. Il les a conseillé sur comment recevoir plus d’aides de l’état pour qu’ils puissent agrandir leur empire tout en gardant le contrôle sur tous leurs soldats. Hairston commandait alors les Rangers les plus anciens et Fort s’occupait des plus jeunes. L’église de Fry était utile aux Rangers car ils y cachaient des armes, y vendaient de la drogue et développaient leur business de prostitution, et tout ça, sans attirer les soupçons.

Première église presbytère de Chicago.
Révérend John Fry

En Mai 1966, Fort et Hairston ont rencontré plusieurs autres chefs de gang, que cela soit des ennemis ou des alliés. Les principales factions étaient les Maniacs, les Four Corners (ne pas confondre avec les 4CH), les Lovers, les V.I.P.’s, les Pythons, les Warlocks, le F.B.I. (étrange comme nom…), les Conservatives et les Pharaohs. Les deux hommes ont proposé aux autres leaders de faire une trêve et de former un conseil. Ce conseil s’appellerait « The Main 21« . Tous les gangs seraient fusionnés sous le nom de Black P. Stones Nation (BPSN). Chaque gang de l’alliance constituait une des 21 briques de la pyramide, la pierre tout en haut étant celle représentant les Black Stone Rangers. Les leaders de la Black P. Stones Nation étaient: Eugene « King Bull » Hairston (Jeff « Angel » « Black Prince » Fort prendra le relais plus tard dans l’année) chef des Black Stone Rangers, George Watusi” “Mad DogRose (chef militaire du groupe), Lee StoneJackson (décédé), William Sweet Pea” “Sweet JonesTroop (décédé en 1972), Melvin LeftyBailey, Herbert ThunderStevens, Lawrence Tom Tucker” White, Adam LetoBattiste, SylvesterHutchHutchins, Charles BoscoFranklin, Theotis « Thee » Clark, Henry « Mickey » Cogwell (décédé, commandant des Mickey Cobras), George « Porgy » Martin, Andrew D. « A.D » McChristian, Fletcher « Bo Peep » « Old Man » Puch, Edwin « Little Charlie » « Caboo » Codwell, Leroy « Mr. Maniac » « Baby Bull » Hairston, Charles Edward « Benbolaman » « Bear » Bey, Herman « Moose » Homes (chef des Gangster Stones), Moses Robert « Dog » Jackson, Paul « Crazy Paul » Martin (décédé), Lamar Bop DaddyBell, Johnnie « Cool Johnnie » Jones, Bernard Droop” “The ColonelGreen. Le groupe s’étendait alors de la 31st Street jusqu’au quartier de South Shore et comptait plus de 1.500 membres. En 1967, la BPSN a doublé de taille, comptant plus de 3.000 membres.

Pyramide à 21 briques

Le pouvoir était plus ou moins partagé entre chaque chef, cependant, si un des participants du « Main 21 » devenait trop puissant, il disparaissait mystérieusement et était remplacé. La pyramide à 21 briques devenait alors le 1er symbole des Black P. Stones.
Le 6 Juin 1966, Eugene Hairston a été incarcéré dans une affaire de drogue. La Black P. Stones Nation, étant une organisation encore très jeune, ils ne pouvaient pas se permettre d’être contrôlée par un chef en prison. Jeff Fort est donc devenu, à 19 ans, le leader incontesté du gang, tout en promettant à Hairston de lui rendre son trône à sa sortie.

Frank Balistrieri

Jeff Fort est tombé amoureux du pouvoir et de l’argent qu’il avait la possibilité de faire. Fort voulait aussi avoir le monopole du trafic d’héroïne dans les quartiers noirs du sud de la ville. Eugene Hairston était contre l’idée de s’impliquer dans le trafic car cela reviendrait à commercer avec la mafia (c’est elle qui ramenait l’héroïne). Hairston était prêt à tuer n’importe quel italien qui approcherait les Stones pour leur proposer de prendre part à la vente de drogue. Maintenant que King Bull était en prison, Fort a contacté Frank « Mr. Big » « Mad Bomber » Balistreri, le chef de la « Famille de Milwaukee » (mafia italo-américaine affiliée à la Cosa Nostra) et s’est allié à la mafia afin de fournir les BPS en héroïne.

Frank Balistrieri

En 1968, Paul « Profit Paul » Martin, le mentor spirituel d’Eugene, sera assassiné par les Blackstone Rangers. À 34 ans, il fut abattu de 3 balles à l’arrière de la tête. Le meurtre de Paul permettait à Fort d’éviter qu’Eugene ne reprenne le pouvoir. La même année, Hairston fut libéré de prison et a tout de même réussi à reprendre le contrôle d’une partie de l’organisation, cela grâce au fait que beaucoup de membres (surtout les Titanic Stones) le considéraient toujours comme le « vrai chef« . Alors que Hairston gagnait de la popularité, il a été rattrapé et incarcéré pour la préméditation d’un meurtre, après avoir commandité une fusillade sur quatre Devil’s Disciples.

Durant la fin des années 60, la Black P. Stones Nation a incroyablement grandi, atteignant les 5.000 membres en 1968. Ils combattaient toujours sans relâche la Disciple Nation (Black Disciples) et la Gangster Nation (Gangster Disciples). Dans la rue, les Stones portaient des bérets rouges, là où ceux des Disciples étaient noirs. Afin de prendre le dessus sur la guerre, Fort avait besoin d’argent et d’armes. Donc, Jeff Fort a réussi à influencer l’esprit des gens et à faire passer son organisation comme une bande de bien-pensants qui récoltait de l’argent pour aider la communauté et embellir le quartier. Ils ont ensuite commencé à offrir leurs services de protection personnelle, qui était facturé 50 dollars par jour. Pour recevoir plus d’argent, le révérend John Fry leur a conseillé d’utiliser l’extorsion en menaçant violemment les commerçants s’ils ne participaient pas à la récolte de dons. Le piège était si bien ficelé que des médiateurs et des politiciens libéraux sont tombés dans le panneau et ont aidé Fort à récolter des fonds. Par exemple, en 1969, Jeff Fort fut carrément invité à la cérémonie d’investiture du président américain Richard Nixon. Fort n’y est pas allé et y a envoyé un de ses hommes et Henry « Mickey » Cogwell. Tout cela sachant qu’un an plus tôt, en 1968, le gouvernement fédéral américain a trouvé des éléments bizarres dans des soit-disant formations payantes proposées par les BPS, ce fut le commencement de la surveillance de la Black P. Stones Nation par le FBI.

Encore en 1968, Jeff est entré en conflit avec le Black Panther Party, un mouvement révolutionnaire Afro-américain, et notamment Fred Hampton, un des membres les plus importants. Tout cela vient du fait que les Disciples et les Panthers s’entendaient bien et travaillaient ensemble. De plus, le mouvement cherchait à se faire connaître et faisait sa pub dans le quartier de Jeff et cela l’a rendu fou. Il a donc menacé de les tuer s’ils ne quittaient pas la zone. En Décembre 1968, Fred Hampton a rendu visite à Jeff Fort afin de discuter du problème. Fort voulait absolument impressionner Fred et, dès son entrée dans la salle, Jeff a claqué des doigts et cent hommes armés de fusils en tous genre sont arrivés. Cela montrait que bien qu’il n’avait que 21 ans, il ne fallait pas s’attaquer à lui, surtout que les Stones avaient tué un Panther peu de temps avant la réunion. Après une longue discussion, Fred a accepté de quitter le territoire des Black P. Stones. La guerre contre les Disciples et les Gangsters faisait toujours rage et il y a eu de nombreuses victimes entre 1966 et 1698.

Depuis sa prise de pouvoir en 1966, Jeff Fort avait donné énormément de puissance aux BPS. En effet, si quelqu’un parlait en mal de Jeff, des Stones les chassaient et leur tiraient dessus, même si Fort ne l’avait pas demandé. Il avait réglé les problèmes d’argent en puisant dans des dizaines de milliers de dons gouvernementaux et d’autres petits business.

En 1968, Fort contrôlait tout le trafic de cocaïne et d’héroïne dans les quartiers Afro-américains du Sud de Chicago. Il a pris le pouvoir en faisant fuir les dealers et les gangs rivaux qui occupaient la zone. Il a ensuite fait un deal avec la mafia qui s’occupait déjà d’approvisionner ces quartiers en drogue. Les membres du crime organisé étaient ravis de cette alliances car ils redoutaient les jeunes gangsters de ces quartiers, qui, étant extrêmement pauvres, tuaient pour une poignée de dollars et n’avaient donc rien à perdre. Les seuls bâtiments que les BPS n’arrivaient pas à conquérir étaient les logements sociaux, qui étaient habités par les Black Gangster Disciples depuis trop longtemps. Le fait d’avoir la main sur le trafic de drogue n’apportait pas que de l’argent mais cela montrait aux rivaux et aux jeunes dans la rue que les Stones étaient devenus puissants et importants. C’est de cela que découle leur slogan « Stone Run It ! » qu’ils criaient et taguaient un peu partout.

Un autre facteur qui a donné à Fort et aux Black P. Stones tant de puissance, est le fait que les tensions raciales étaient extrêmement fortes dans les années 60, dues au chômage et aux interdictions de prêts des jeunes Afro-américains. Les habitants des secteurs Sud se désinvestissant de la vie du quartier et les banques faisant preuve de redlining (pratique discriminatoire consistant à refuser ou limiter les prêts aux populations situées dans certaines zones géographiques), beaucoup de commerces et de business ont fermé et le chômage est grimpé en flèche. Après l’assassinat de Martin Luther King en Avril 1968, les BPS ont joué un rôle majeur dans les émeutes du 5 Avril qui ont suivi sa mort. Les Stones incitaient les jeunes à y participer afin de libérer leur frustration causée par les discriminations face à l’emploi, aux prêts, l’éducation et le logement. Après la mort de MLK, les Black P. Stones ont littéralement marché sur toute la ville en causant destruction et émeutes. Durant ces incidents, la BPSN se battait pour les droits des noirs et faisait office de groupe militant, plus axés vers la violence que les Black Panthers.

Émeutes après l’assassinat de Martin Luther King.
Tags durant les émeutes du 5 Avril 1968.

Grâce à ces événements, les BPS sont devenus assez connus par les jeunes Afro-américains et ont beaucoup recruté durant la fin des années 60, pour les convaincre, les Stones avaient l’habitude de dire « Join us or die !« . Ils se sont donc étendus à des villes en périphérie de Chicago telles que Harvey, Chicago Heights, Ford Heigths et Robbins. Les adolescents de ces villes se sentaient mis à l’écart et cherchaient alors une cause pour laquelle se battre, tout comme beaucoup de leurs homologues à Chicago.

Défilé des Black P. Stones en 1969.

En banlieue, l’arrivée soudaine de nombreuses familles Afro-américaines n’était pas vues d’un bon œil par les habitants blancs. Les Stones se réunissaient alors et s’attaquaient violemment à des groupes de jeunes blancs pour leur montrer que ce n’était plus eux qui faisaient la loi maintenant. En même temps, les Vice Lords, qui eux aussi essayaient de s’implanter en périphérie, sont entrés en guerre contre les BPS.

Durant le début des années 70, les pinces du FBI se refermaient de plus en plus sur Jeff Fort. En effet, comme mentionné plus tôt, le gouvernement avait donné à la BPSN entre 900.000 et 1.400.000 dollars afin qu’ils développent leur business de formations. Ils avaient découvert que Jeff Fort n’investissait qu’une petite partie de cet argent dans son commerce légal mais que le reste de l’argent avait quand même utilisé. Par conséquence, le révérend John Fry a quitté son poste de conseiller auprès des Black P. Stones.

En 1972, Jeff Fort et quelques autres de ses gars furent arrêtés pour dilapidation de fonds gouvernementaux et il a été placé à la prison de Stateville (Illinois) jusqu’en 1974. En 1974, il a été transféré à la prison de Leavenworth (Kansas) jusqu’en 1976. La récolte de fonds des BPS fut donc stoppée par le gouvernement mais, c’était déjà trop tard, l’argent avait déjà été investi dans la rue et leur rapportait bien plus que la somme initiale. De plus, l’organisation était maintenant assez puissante pour être contrôlée à distance, c’est ce que fera Jeff Fort depuis sa cellule de Leavenworth.

Article du 8 Avril 1971 sur les condamnations pour détournement de fonds.
Article du 8 Avril 1971 sur les condamnations pour détournement de fonds.

Les business légaux et commerces que les Stones avaient ouvert dans les années 60 grâce à l’argent de l’état, leur donnait la possibilité de faire des activités illégales à l’arrière de ces bâtiments. Par exemple, certains endroits où les jeunes étaient formés à certains métiers et où ils recevaient une éducation de base étaient vraiment utiles à la vie et à la bonne santé du quartier. Mais, dans les salles à l’arrière de ces bâtiments, les Stones avaient installé des points de vente de drogue ou des chambres avec des prostitués. Malheureusement pour eux, les choses n’ont pas duré et quand le FBI a lancé un raid et a découvert ces business illégaux, ils ont tout fermé, même la partie légale et utile.

Une des nombreuses planques des BPS.

Pendant que Fort était emprisonné, Mickey Cogwell (chef des Cobra Stones et plus tard, des Mickey Cobras) gérait les opérations et le bon fonctionnement du gang dans la rue. En 1974, Fort a mis « Thunder » à la tête des Stateville Stones et Hairston s’occupait des Stones de la prison de Menard. Fin 1974, Eugene Hairston était éligible à une libération sur parole et a envoyé une lettre aux Titanic Stones, disant qu’il serait bientôt libre et qu’il avait besoin de soldats pour lancer un coup d’état contre Jeff et reprendre le pouvoir des BPS. Son message avait réuni de nombreuses personnes, et pas seulement des Titanic Stones. Mais, contre toute attente, la libération d’Eugene fut refusée et cela a permis à Cogwell de gagner encore plus de terrain. Sentant le vent tourner, quelques soutiens de Hairston ont rejoint les partisans de Jeff et ont tout balancé du plan du coup d’état. S’en est alors suivi une guerre sanglante entre les Titanic Stones et le reste de la Black P. Stones Nation. Leroy « Lil Bull » Hairston, un des leader des Titanic, fut notamment arrêté et emprisonné pour une peine de 100 ans dont 75 incompressibles. Plus tard, Jeff Fort a pris le contrôle des Stones des prisons de Menard et de Stateville.

Leroy Hairston en Août 1969

En 1975, Eugene Hairston a finalement été libéré pour l’affaire de tentative de meurtre sur les Disciples en 1968. Dès sa sortie, Hairston a constitué son petit groupe de Stones et s’est installé à l’intersection entre 70th Street et Paxton Avenue. Un jour, alors qu’il allait au pressing, sur la 71st, trois hommes sont sortis d’une voiture et lui ont tiré dessus. Touché à trois reprises, Eugene s’est enfui et s’est caché dans le pressing, d’où il a appelé de l’aide. Il a survécu mais, étant conscient qu’il était devenu une cible de choix dans le quartier, il a déménagé au nord, dans le quartier de Uptown. Il a donc ouvert le premier chapitre des Black P. Stones au Nord de Chicago.

Jeff Fort fut libéré le 12 Mars 1976. Dès sa sortie, il parti à Milwaukee, dans l’État du Wisconsin, où il a voulu se convertir à l’Islam et rejoindre le « Moorish Science Temple« . Le Moorish Science Temple of America (le temple de la Science Maure d’Amérique) est une organisation religieuse se voulant musulmane qui s’inspire aussi de croyances telles que le bouddhisme, le christianisme, la franc-maçonnerie, le gnosticisme et le taoïsme. Pour des raisons inconnues, ils refusèrent l’adhésion de Fort et il a donc crée son propre temple: le Moorish Temple of America. Il a ensuite converti les Black P. Stones a ses croyances musulmanes qu’il a lui même adopté en prison. Il a choisi le nom de « El Rukn« , en référence à un livre qu’il a lu, décrivant le lieu sacré de la Kaaba, à La Mecque. C’est alors l’apparition des symboles tels que l’œil, le croissant de lune et l’étoile à cinq branches dans la culture des gangs. L’étoile à cinq branches fut utilisée uniquement par El Rukn jusqu’en 1978, puis, la People Nation l’a reprise aussi. Il y a eu beaucoup de contestation quand au changement de religion. Mickey Cogwell, le leader des Cobra Stones, était un des plus fervent contestataire. Cogwell a donc organisé un discours protestataire au « Camp« , situé au 4233 Avenue South Indiana, même après que Jeff ai menacé de tuer tous ceux présents.

Jeff « Chief Malik » Fort

Le 25 Février 1977, Mickey Cogwell fut tué, très probablement par l’équipe à Jeff Fort. Les Black P. Stones existaient toujours et étaient dirigés par Fort et d’autres membres de son conseil alors que El Rukn n’était constitué que des plus fervents supporter de Fort. Tous les membres d’El Rukn devaient adopter le suffixe « EL » dans leur nom de famille. Cela a été une grosse erreur car dans les années 70-80, la police pouvait aller sur internet et trouver plus facilement les membres avec le suffixe « EL » et puis les classer.

Jeff Fort au centre, portant un médaillon.
Les leaders d’El Rukn, fin 1970.

Les membres d’El Rukn ont pris le pouvoir de force (sans faire de morts) et ont rétrogradés les anciens membres du Main 21. Jeff Fort a ensuite crée un nouveau conseil constitué de: Felix Mayes, Jake Crowder, Alan Knox, Derrick Porter, Floyd Davis, Walter Pollard, Edward Williams, Roger Bowman, Bernard Green, Thomas Bates, Fred Giles, Eddie Franklin et Andrew Fort. Le 14 Avril 1978, Fort a créé une entreprise de maintenance et de management appelé « EL-Pyramid« , grâce à laquelle ils ont pu acheter une propriété dans le quartier d’Oakland, au 3947 South Drexel Boulevard, anciennement connu comme l’Oakland Square Theater. Quand les El Rukns ont repris le bâtiment, ils l’ont renommé « El Rukn Major Temple of America » ou « The Fort« . Cela est resté en place jusqu’en Juin 1990, quand le bâtiment fut détruit.

The Fort pendant la perquisition de 1990.
L’intérieur du Temple.

En Avril 1978, les El Rukns ont, avec les Vice Lords et les Latin Kings, organisé la création de la People Nation. Ce moment fut extrêmement important car cela a ordonné la guerre, en effet, au lieu que chaque faction se batte contre ses ennemis, tous les membres de la People Nation se battaient ensemble contre la Folk Nation. Les El Rukns et les Vice Lords représentaient la branche musulmane de la People, là où les Latin Kings étaient chrétiens. Les trois gangs ont ensuite invités d’autres factions telles que les Mickey Cobras, les Latin Counts, les Bishops, les Spanish Lords, les Puerto Rican Stones et les Insane Unknowns. Dans le début des années 80, d’autres gangs les ont rejoint.

Carte de membre des Puerto Rican Stones.

En 1983, Jeff Fort fut arrête et condamné à 13 ans de prison pour son implication dans l’expédition de drogues dans le Mississippi, même depuis derrière les barreaux, il continuait de gérer le gang. Il avait même prévu un pèlerinage à la Mecque et un voyage en Libye.

En 1986, Charles Edward Bey, un des premiers membres du Main 21 et chef des « Terror Town Stones« , fut accusé du meurtre de Willie Morris « Flukey » Stokes, un des dealers les plus riche les plus connu de Chicago. Stokes brassait plusieurs millions de dollars par mois et, tout ça en ayant une partie de son terrain sur le territoire de Bey, dans le quartier de South Shore, « Terror Town« . Stokes fut assassiné le 19 Novembre 1986 et d’après les première rumeurs, le meurtre fut commandité par Bey et exécuté par des Stones, ses soldats. Mais, ni la justice, ni personne n’a jamais réussi à prouver l’implication des BPS dans cette affaire. En effet, Bey s’était fait tiré dessus par les hommes de Flukey quelques mois plus tard et certains pensent donc qu’Edward s’est vengé. Au final, le garde du corps de Stokes fut jugé coupable du meurtre, mais bon, on vous parlera plus en détail de l’histoire de Flukey Stokes dans un prochain article… Bey fut aussi accusé de la mort d’un policier en 1970 mais il fut rapidement acquitté. Edward est un des membre fondateur des Stones qui avait 14 ans à la création des Harper’s Boys et des Blackstone Raiders. Étant trop vieux pour rejoindre la bande de Jeff à l’époque, on peut supposer qu’il a rejoint les Harper’s Boys d’Eugene. Au final, il est devenu un des BPS les plus loyal à Fort, jusqu’à devenir, pendant de nombreuses années, son bras droit. Charles Edward Bey s’est retiré en 1998 et est devenu activiste pour la paix dans les quartiers et pour les droits des plus défavorisés. Il est mort de causes naturelles en Octobre 2010 et c’est plus de 700 personnes qui assistèrent à son enterrement pour rendre un dernier hommage à cette légende des Black P. Stones.

Enterrement d’Edward Bey le 11 Octobre 2011.
Edward Bey à gauche.
Article du 20 Novembre 1986, relatant la mort de Stokes.
Edward Bey
Flukey Stokes

En Libye, les lieutenants de Fort ont établis des premiers contacts avec le Colonel Moammar Kaddafi. Durant la fin du printemps 1986, des El Rukns ont fais deux voyages à Panama City, au Panama, pour rencontrer leurs homologues Libyens. Ils ont négocié un deal: les El Rukns recevaient 2.500.000 dollars, un gros chargement d’armes lourdes et une retraite assurée à Tripoli, en échange, ils devaient utiliser les armes et une partie de l’argent pour s’attaquer au gouvernement américain. Une fois les armes reçues, leur plan était de lancer une attaque de grande ampleur contre la police et différents bâtiments et institutions gouvernementales. Entre temps, Fort fut arrêté et jugé pour terrorisme et condamné, un an plus tard, à 80 ans de prison. Puis, l’année d’après, il fut condamné à 75 ans de plus, pour le meurtre de Willie « Dollar Bill » Bibbs, chef des Titanic Stones. Cinquante autre hauts-gradés des El Rukns furent emprisonnés en 1988. En 1989, le nom « El Rukn » a alors disparu, faute de membres libres, et le terme « Black P. Stone » a repris le dessus sur toute l’organisation.

Le Fort en 1987

Le Vendredi 22 Septembre 1988 à 00h30 , Eugene « King Bull » Hairston fut assassiné par deux hommes non-identifiés, au 3844 South Vincennes Avenue, proche de son appartement au 548 38th Street (dans la cité d’Ida B. Wells). Il a été touché dans la jambe droite, l’abdomen, le torse et la tête, avec un revolver calibre .357 qui a été retrouvé plus tard dans un terrain vague, au croisement entre Vincennes Avenue et Oakwood Boulevard. La raison présumée de son meurtre est le fait qu’il n’ait pas écouté un ordre que Jeff lui a donné. Alors que Hairston rentrait chez lui, il était suivi par un autre BPS qui était là pour le protéger. C’est alors qu’est arrivé un homme qui a fait feu sur Eugene, puis son soi-disant garde du corps a traversé la rue et s’est lui aussi mis à tirer sur Eugene, qui était au sol. La police, qui passait au même moment au bout de la rue ont tout vu mais n’ont jamais réussi à attraper les meurtriers. Fort et les El Rukns ne furent jamais suspectés, mais il est fort probable que cela soit des hauts-gradés des Black P. Stones qui aient monté le coup. Abdul Mumeet, un des seul leader des El Rukns encore libre à l’époque, à même dit à un journaliste que même si Hairston n’était pas un Rukn car il « n’en avait pas les caractéristiques (il était parfois vulgaire et buvait de l’alcool) », il restait « en bon termes avec le groupe et était loin d’être vu comme un ennemi« .

Depuis 1991, les Black P. Stones ont vécus des conflits inter-alliance avec les Mickey Cobras et les Vice Lords. À part ces deux gangs, les BPS gardent d’assez bonnes relations avec les autres gangs de la People Nation. Il est aussi vrai que dans certaines parties de la ville, des sets BPS, MCs et VLs sont alliés et travaillent ensemble. Les Stones sont composés de sept branches, c’est pourquoi ce chiffre est devenu un symbole et est souvent représenté dans une pyramide.

Kristin Ponquinette était une Porto-ricaine, elle est entrée à l’université en 1990. Kristin habitait sur le territoire des Black P. Stones mais ne faisait pas partie du gang, bien qu’elle aime la violence et traînait parfois avec eux. Deux ans plus tard, elle s’est vantée d’avoir couché avec les petits-amis de plusieurs Lady Stones, elles l’ont alors accusée d’avoir été témoin d’un meurtre et ont dit à un groupe de BPS qu’il fallait la tuer avant qu’elle ne balance tout (en vérité elles voulaient juste la faire disparaître). Les quatre hommes lui ont alors rasé le crâne, lui ont attaché une bouche d’égout au niveau des chevilles, puis, l’ont jetée vivante dans la Calumet River. Quand la police a retrouvé son corps, ils ont aussi trouvé une liste de numéros qui a conduit à l’arrestation des quatre Lady Stones. Le problème est que quand le juge leur a annoncé la peine encourue, elles ont toutes balancé les quatre meurtriers et sont toutes ressorties libres. Grâce aux remises de peine, le premier, Timothey Mobley, fut condamné à 95 ans de prison et sera libérable à partir de 2042, le second, Chezeray Moore, pris 100 ans de prison et sortira en 2045, le troisième, Lovett Henry, fut condamné à 105 ans de prison et sortira en 2050. Le dernier, Amotto Jackson fut en cavale pendant un long moment et, ajouté à ça son lourd passé judiciaire, il fut condamné à la perpétuité incompressible plus quinze ans de prison, il est donc inéligible à toute libération.

Tombe de Kristin Ponquette
Chezeray Moore
Henry Lovett
Amotto Jackson
Timothy Mobley

Depuis les attentats du World Trade Center, le 11 Septembre 2001, les Black P. Stones sont considérés comme « une menace pour la sécurité du territoire américain« .

Leroy « Lil Bull » Hairston fut libéré sur parole en 2003 et repris les rênes des Titanic Stones.
Jeff Fort lui est toujours derrière les barreaux, dans la prison d’ADX Florence, une des plus sécurisée au monde. Il est dans le quartier « sans contact humain« , dans lequel ils ne voient ni gardes ni détenus et ont le droit qu’à 10h de sortie par semaine. Ses voisins de cellules sont des criminels tels que El Chapo, Larry Hoover (chef des Gangster Disciples), Terry Nichols (terroriste des attentats de Oklahoma City, faisant 168 morts, il est condamné à 161 peine de perpétuité)… etc.

Pyramide comportant le 7, symbole des Black P. Stones.
Jeff Fort
Médaillons comportant les symboles des BPS.

Traduction et écriture par Quentin LIrishRugbyman.

Traduction tirée (en partie) de ChicagoGangHistory.com

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